Cette seconde partie du « Raconte- moi demain » de Dominique Pon nous parle d’un projet issu de l’incompréhension, pour l’enfant qu’il était, du fait que les seules personnes qui « restent dans l’Histoire » sont « des élites ».
Dans l’imaginaire de Dominique Pon, enfant, il y avait un « Chef » qui décidait de qui oublier et qui se souvenir, et c’était pour lui, incompatible avec les valeurs des Droits de l’Homme.
Pourquoi se souvenir d’Hitler et de Staline, et oublier les innombrables résistants anonymes ou les gens morts dans des goulags ?
Tant qu’on n’avait pas la possibilité technique de se souvenir de tous, cela lui paraissait encore compréhensible. Mais avec l’arrivée des GAFAM (Google, Facebook, Apple Amazon et Microsoft, les géants du Web) qui, sur des serveurs en Californie, collectent les données des individus pour se « souvenir des êtres humains » à des fins quelquefois marchandes, parfois liberticides, l’idée a germé d’utiliser le numérique à des fins de mémoire plus humanistes.
ETERNESIA est donc un projet de mémoire numérique permettant à chacun de proposer qu’on se souvienne de lui comme faisant partie du tissu de l’Histoire Humaine au même titre que la Joconde ou les pyramides de Gizeh, car « chaque vie humaine est une œuvre d’art ».
On a avec les technologies actuelles, pour la première fois dans l’humanité, les possibilités d’inscrire toutes les mémoires volontaires de tous les êtres humains au Patrimoine mondial de l’Humanité.
Soit le marché s’en empare (cad quelques grands groupes, et le plus souvent à des fins mercantiles) soit on propose à une instance comme l’UNESCO ou une autre organisation transnationale, éthique et non lucrative de construire un nouveau droit de l’Homme : le droit à la mémoire et à la postérité et son corollaire, le droit à l’oubli, avec les technologies numériques.
Le risque, si on ne le fait pas ? que le projet soit construit par d’autres, de manière moins humaniste.
Un exemple : le Projet « TOTAL RECALL » de Microsoft propose déjà d’utiliser tout un arsenal de caméras, micros, GPS et autres capteurs afin d’enregistrer tout son environnement et créer post mortem un avatar virtuel avec lesquelles les personnes pourront converser.
Une vision totalement opposée à celle qu’a Dominique Pon où prime la liberté de l’individu à transmettre ou non son histoire privée.
Il souhaiterait d’ailleurs soumettre l’Idée d’ETERNESIA à un débat public
Si elle va à l’encontre de la Cancel Culture (culture de l'effacement ou culture de l'annulation, apanage des dictatures) Dominique Pon oppose qu’à chaque fois qu’on efface un pan de l’histoire, il faudrait être capable de rétablir l’histoire de chaque être humain.
Au-delà de ceci, il faut également faire face aux inquiétudes que suscite le numérique, que Dominique Pon voit alors comme un moyen de redonner la liberté et le pouvoir aux individus, un outil d’émancipation citoyenne, d’accès à l’information et de diffusion de la culture comme l'a été l’imprimerie au XVIIème siècle, à l’origine du siècle des Lumières, des Droits de l’Homme et de l’Humanisme.
Ce projet ne s’oppose pas d’ailleurs à d’autres modes de transmission, comme la transmission orale qui redevient d’actualité dans nos villes, comme celui de « la bibliothèque humaine », ou des initiatives comme celle de Feel U qui permet aux personnes âgées en Maisons de retraite ou Ehpad de raconter leurs souvenirs et voyager via la réalité virtuelle.
De multiples initiatives, se dégagent déjà en soins palliatifs ou autres, d’écrivains publics qui viennent recueillir un « livre de vie » .
Au-delà, le témoignage numérique visible par tous, selon ce que la personne souhaite laisser de souvenir de sa vie, vient, en fin de vie, donner du sens à ce qu’elle a accompli et à la trace qu’elle souhaite laisser à la postérité.