« Marque de mode française recrute un(e) berger(e) ». Non, vous ne rêvez pas !
Derrière cet intitulé d’offre d’emploi peu commune se cache un réel projet ambitieux, écologique, moderne et plein de bon sens territorial.
En parallèle de la marque de vêtements, Julien et Myriam Tuffery, gérants d’Atelier Tuffery, reprennent la gestion agricole de la ferme familiale Tuffery installée sur le Causse Méjean depuis des générations. Ils s’associent à Xavier Julien, jeune agriculteur vigneron du Mas de Janiny basé à Saint-Bauzille de la Sylve (Hérault) avec l’objectif de mettre en place un système agropastoral transhumant, en lien direct avec la mode durable qu’ils proposent. L’innovation n’est pas toujours là où on l’attend le plus…
Élever sa propre fibre et ouvrir un nouveau « gisement » de laine
La marque de vêtement Atelier Tuffery travaille depuis des décennies à l’intégration de toutes les étapes de la fabrication textile en France. Une filière entière s’est construite depuis, avec des partenaires de prédilection sur le territoire national. Sourcer sa fibre localement est un pilier fort de cette démarche éthique. Intégrer toute sa chaine de valeurs c’est aussi l’opportunité d’allouer convenablement les ressources financières aux acteurs qui le méritent dans le process.
Ce projet de reprise de la ferme familiale Tuffery sur le Causse Méjean vise à promouvoir et valoriser l’économie de cette laine d’excellence au travers de toute la filière Atelier Tuffery. Cette exploitation devrait à terme compter environ 400 brebis de race Merinos et produire deux tonnes de laine brute. « Et on espère susciter des vocations dans les exploitations autours de nous afin de consolider la filière, ajoute Julien Tuffery. L’idée à travers l’installation de ce troupeau est « d’ouvrir un autre gisement de laine de très grande qualité en parallèle de tout ce travail que nous faisons depuis des années avec les éleveurs de race Lacaune. On garde tout ce qu’on fait déjà et on enrichit avec une nouvelle ressource lainière pour compléter l’offre », poursuit le chef d’entreprise. La laine sera ensuite tissée en Occitanie.
L’agropastoralisme au cœur de la démarche
L'agropastoralisme revêt une importance particulière dans cette démarche. La décision de revitaliser une ferme familiale ancestrale sur le Causse Méjean, propriété depuis des générations, illustre la volonté de Myriam et Julien Tuffery d'intégrer les cycles naturels dans le développement de la marque. « Cette approche, qui associe la production de vêtements à la gestion d'une exploitation agricole traditionnelle à Cavaladette en Lozère, s'inscrit parfaitement dans notre engagement pour une mode durable », insiste Myriam Tuffery.
« En collaborant avec Xavier Julien, vigneron dans l'Hérault, nous renforçons cette démarche en mettant en place un système agropastoral transhumant », poursuit la cheffe d’entreprise. La collaboration avec le domaine viticole Mas de Janiny situé à Saint-Bauzille de la Sylve dans l’Hérault constitue la pierre angulaire du projet. En effet, ce domaine viticole de plus de cent hectares dans la vallée de l’Hérault est cultivé en agriculture biologique et profite d’un enherbement permanent. La présence de brebis dans les vignes est pertinente pour l’écologie globale des terres. « C’est de l’amendement organique naturel (qui évite les engrais), c’est du désherbage naturel (qui évite la chimie et le mécanique) et c’est de l’entretien des garrigues adjacentes aux vignes (pour la maîtrise du risque incendie à longs termes) », explique le vigneron Xavier Julien. Il y a par ailleurs de forts enjeux autour de pâturages des garrigues qui permettent un entretien naturel de la végétation et de limiter les risques incendies qui frappent ce territoire régulièrement.
« Les chemins de transhumance entre le Causse Méjean et la vallée de l’Hérault sont praticables sans risques pour le cheminement du troupeau. L’idée serait alors de descendre les bêtes à l’issue des vendanges et les remonter sur le causse lozérien peu avant le l’ébourgeonnage des vignes, indique Julien Tuffery. Cette synergie entre nos deux régions offre un cadre idéal pour la production de laine de qualité et la préservation des paysages naturels ».
Le coût de ce projet est estimé à plus de 200k€ et « la rentabilité sera compliquée les premières années car il faut tout recréer. L’équilibre ne tient que parce que nous sommes les propres acheteurs de notre laine. Clairement aujourd’hui, la logique économique serait plutôt d’aller chercher de la laine au fin fond de l’Australie, 3 fois moins cher ! Et pourtant… »
Maintenant que le projet est bâti dans ses grandes lignes, il ne reste qu’à trouver ce maillon humain essentiel : celui de la gestion du troupeau et des brebis pour mener ce projet durable et ambitieux