Environnement et développement humain

Il y a environ 200 ans, la rencontre du progrès technique, des énergies fossiles et des évolutions des organisations sociales va déboucher sur une transformation profonde de nos modes de vie, quasiment partout dans le monde et qui se poursuit aujourd’hui : les révolutions agricoles et industrielles vont complètement bouleverser nos organisations sociales. Par exemple, la part de la population française qui vie de l’agriculture va passer de 70% à la fin du 18ème siècle à seulement 2% de la population active aujourd’hui. La population mondiale va être multipliée par 8 en deux siècles et l’extrême pauvreté reculée de manière spectaculaire partout dans le monde (rien qu’au cours des 50 dernières années elle a été divisée par 3 et l’espérance de vie a augmenté de 20 ans dans le même temps, pour atteindre 70 ans aujourd’hui en moyenne mondiale).

Cela nécessite toutefois de disposer de grandes quantités d’énergies, qui soit facilement transportables et manipulables. Ainsi plus de 80% de l’énergie consommée par les humaines provient de la combustion des énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon). Nous brulons près de 100 millions de barils de pétrole chaque jour pour satisfaire nos modes de vie. Et nous consommons toujours plus de tout : plus de béton, plus d’acier, plus de métaux, etc.

Ces énormes ressources fossiles, jusque-là inertes dans le sous-sol, sont transformées en gaz à effet de serre (du CO2 principalement, mais aussi du méthane). Pour « faire de la place » et cultiver les céréales dont le bétail que nous consommons a besoin, nous devons déforester toujours plus, ce qui contribue aussi à relâcher du CO2 dans l’atmosphère. Et la France ne fait pas exception : près des 2/3 de l’énergie finale que nous consommons (pour nous déplacer, nos logements, notre alimentation, notre santé aussi) provient de ces énergies fossiles, que nous importons à près de 100%. En particulier notre système de transport dépend toujours à 90% de l’approvisionnement en produits pétroliers. Le climat, sous l’effet de cette énorme production de gaz à effet de serre, se réchauffe. Et il se réchauffe de plus en plus vite. Les travaux du GIEC permettent ainsi d’établir que la responsabilité des modes de vie des humains est « sans équivoque » sur le changement climatique. Ce qui est une excellente nouvelle, car cela signifie que les leviers sont bien dans nos mains, et que ne sommes pas dépendants de causes naturelles sur lesquelles nous ne saurions agir.
Actuellement le climat s’est déjà réchauffé d’au moins 1.1 degré par rapport à l’ère pré-industrielle, avec des conséquences de plus en plus visibles. Et ce n’est qu’une moyenne. Les terres émergées se réchauffent deux fois plus vite que les océans, ce qui signifie que la température sur la terre ferme a déjà augmentée en réalité de 1.6 degrés. Cela veut dire que la température moyenne en France va augmenter d’au moins 3 à 4 degrés par rapport à l’ère pré-industrielle dans les décennies à venir, et ce même si nous limitons le réchauffement global en dessous de deux degrés, comme le stipule l’accord de Paris. Tout cela, combiné aux effets de la pollution (en particulier les intrants agricoles, les biocides en tous genres), à la destruction des habitats et à la surexploitation des ressources naturelles, mettent sous pression le vivant. Les espèces disparaissent à un rythme jamais observé auparavant, 10 à 100 fois plus vite que le « bruit de fond » normal de disparition des espèces, nous amenant à l’orée d’une sixième extinction de masse, qui ne sera bien sûr pas sans conséquences pour les humains et nos organisations complexes.
Il ne s’agit pas d’imaginer, bien sûr, retourner vivre dans un passé fantasmé : tout cela n’est pas en fait pas tout à fait nouveau, déjà le rythme de disparition des espèces s’était accéléré lorsque l’homme s’est sédentarisé il y a 10 000 ans et a commencé à exploiter les capacités de son environnement.
Alors quelles solutions face à tout cela, face à la non durabilité finalement de nos modes de vie actuels ?
Nous allons devoir inventer des modes de vie inédits ( !), compatibles avec les capacités offertes par notre planète, et de manière équitable si possible aussi pour la dizaine de million d’espèces avec qui nous cohabitons. Les immenses connaissances scientifiques acquises par les humaines au cours des dernières décennies peuvent, et doivent, nous y aider. Plus que jamais, l’atténuation, c’est-à-dire la baisse de nos émissions de GES, est bien sûr une nécessité (et pour cela il va falloir se passer autant que possible des énergies fossiles). Mais il est aussi indispensable de se préparer aux conséquences du changement climatique, et de la perte de biodiversité, … de s’y adapter avant que les conséquences deviennent ingérables. Bon, en fait il faut vraiment commencer maintenant.

ØSe prémunir de ces conséquences, sans renforcer les causes qui les ont créées, nécessite par exemple de revégétaliser nos villes (1), de favoriser les modes de déplacements actifs (vélo, marche) lorsque cela est possible (2), afin de réserver l’usage des transports plus intensif en énergie (comprendre la voiture qu’on aime temps en France) lorsqu’il n’existe pas d’alternatives (note : le transport représente le plus gros poste de dépense de carbone en France, avec 1/3 des émissions, principalement pour du transport individuel et du transport de marchandise « y compris les machins commandé sur amatruc ou bidulzone). Il faut aussi augmenter la résilience de nos productions agricoles (3) face aux évènements climatiques à venir (canicules, tempêtes et sécheresses par exemple). Pour cela, en créant du lien avec celles et ceux qui produisent notre alimentation au quotidien ? Il faudra revoir le contenu de nos assiettes en France (4), et c’est une bonne opportunité pour améliorer encore notre santé, en réduisant l’impact des maladies dites non transmissibles, dues à nos modes de vie actuels (sédentarité, alimentation de mauvaise qualité).

Il faudra faire preuve d’innovation, assurément. D’innovation technologique sans doute (5) (véhicules électriques, isolation des bâtiments, production d’électricité bas carbone) mais aussi d’innovation socio-économiques.
Nous devons envisager tous les leviers possibles, y compris en repensant l’usage de nos moyens techniques (6). Par exemple, dans le secteur du transport aérien, nous avons su réaliser des progrès technologiques impressionnants : en 50 ans nous avons divisé par 5 la quantité d’énergie nécessaire pour transporter un passager sur un kilomètre (c’est mieux que n’importe quel autre secteur du domaine des transports). Pourtant, dans le même temps, le nombre de km.passager a été multiplié par 13, et donc les émissions du secteur ont été multipliée par presque 3. Nous avons vu à peu près le même phénomène dans le secteur automobile. Cela montre que le progrès technique seul, isolé, ne peut sans doute pas répondre complètement aux enjeux. Nous devons plus que jamais nous poser la question de nos modes de vie : Qu’est ce qui nous rend heureux au quotidien ?

Plusieurs études se sont intéressées à cette question : au final, ce n’est souvent pas de posséder une plus grosse voiture, ou encore de posséder plus de choses ou quelques m2 supplémentaires. Ni même de voyager loin.

Ces études montrent que notre bonheur dépend plutôt de la qualité de nos relations avec les autres (nos amis, notre famille), d’avoir des activités, un travail qui nous plait, au final de nous faire nous sentir utile et de contribuer à l’épanouissement de la communauté (8). Tout cela, dans l’immense majorité des cas, ne nécessite pas de consommer d’énergie fossile ou de poursuivre la destruction du vivant (9).

En conclusion, il n’est donc plus temps de se désespérer du passé, ce qui est fait est fait. En revanche, ce que nous allons décider de faire, ensemble, et à partir d’aujourd’hui, décidera pour une bonne part de la qualité de vie dont nous bénéficieront dans les décennies à venir.

Alors, on s’y met ?